Les souvenirs d'enfance sont comme de vieux grimoires que l'on a parfois caché dans le dernier tiroir d'une vieille commode au fin fond d'un grenier.
Et puis un jour on nous demande de remonter le temps, retourner au grenier, à pas lents et comptés.
Il faut d'abord tirer sur la poignée et le bois grince comme une vieille poulie, glisser sa main ridée pour partir explorer le fond de nos années.
Sortir le vieux grimoire et souffler la poussière, écarter avec soin la couverture de cuir.
Des souvenirs d'enfance écrits jadis à l'encre pâle ,il en reste des pages aux jolies lettres liées et des dessins tracés maladroits mais sincères avec des crayons de couleurs aux pointes émoussées.
Puis les images viennent, vieux film en noir et blanc de la mystérieuse machine à remonter l'avant.
J'y ai retrouvé des enfants insouciants et rieurs givrés de poudre blanche,les joues couleur carmin glissant sur des luges de bois en plein coeur de l'hiver.
Des devantures promesses aux étals chargés de mille et un délices, parfums de vanille et de croissants dorés.
De beaux sapins dressés comme de fiers oriflames, tendant leurs branches lourdes chargées de boules de verre aux reflets irisés et couvant à leurs pieds de grands paquets enrubannés.
Des tous premiers émois, à toi et à moi pour toujours, ces petits mots d'amours innocents et bien purs ,glissé furtivement dans le cartable de devant.
Les balades en vélo, cheveux en bataille et les genoux écorchés, souffrant sur les pédales en route vers la liberté.
Des tous petits matins câlins, des bisous dans le cou, des plumes sur la joue,l'heure de chasser la nuit,l'odeur du chocolat fumant dans le grand bol bleu.
De l'odeur de la classe,des pupitres alignés, le vieux tableau de bois et les morceaux de craie de couleur cassées, le grand poêle à noir crachant sa rouge chaleur et sa fumée piquante.
Et puis les jours de gris,la pluie sur les carreaux, le vent puissant d'automne qui arrache les feuilles des arbres décharnés, le temps qui fuit l'horloge et laisse couler l'ennui.
Il y a les manèges qui vous mettent la tête à l'endroit à l'envers dans les flonfons aériens et légers, la douce barbe à papa et les pommes d'amour des chauds dimanches de fête.
La petite main qui se tend,semblant chercher l'espoir et la grosse pogne puissante et forte qui agrippe la menue,bouée de sauvetage pour un enfant perdu .
Il y a aussi les histoires, celles des livres espoirs qui nous font nous évader vers des mondes paradis,imaginer des vies,fabriquer des rêves et souvenirs jolis lorsque la vie cabosse et tourmente l'aujourd'hui.
Les larmes que l'on sèche d'un revers de manche, les larmes qu'on nous sèche d'un mouchoir à carreaux, celles qui vous coulent parfois jusqu'au coin de la bouche,vous faisant goûter le sel de l'amertume.
Et les souvenirs précieux, ceux que l'on caché comme des trésors enfouis sous des montagnes d'oubli pour les protéger à jamais, douloureux où jolis ils ont été écrits à l'encre sympathique ,laissant juste sur une page blanche la trace légère d'une plume qui s'envole dans le vent.
Le vieux grimoire se referme, la main semble un peu moins ridée, elle caresse doucement le joli cuir craquelé et la poussière scintille dans le pinceau doré d'un rayon de soleil qui perce le grenier......
Patrick
Octobre 2019